Ici un rare exemple ou le monde celtique a résisté à l’église de Rome
Depuis vingt siècles et plus, les cierges continuent à bruler devant un menhir. C’est un étrange oratoire debout dans les champs, dédié à un bienheureux dont vous ne trouverez trace dans aucun missel, saint Mort . . .
D’où viennent les pèlerins de saint Mort ? Pas une signalisation ne renseigne cet hameau perdu aux confins de Coutisse et de Haillot. Pourtant quand on pousse la porte du sanctuaire, il n’est pas rare d’entrevoir une ombre agenouillée. Et si vous n’avez pas fait grincer l’huis, peut-être verrez-vous l’ombre se lever, approcher furtivement de l’autel, se courber et baiser dévotement par un trou ménagé à cet effet, une pierre sortant du sol. Autour de l’ouverture, il est écrit en grandes capitales :
L’AN 613 DE CE LIEU ST-MORT MONTA AUX CIEUX
613 ? La date ne vous dit-elle rien ? Cette année-là, il ne s’est pourtant passé qu’un seul fait digne des tablettes des tablettes de l’Histoire, hors l’ascension de saint Mort, la mort en Bourgogne d’une vieille dame octogénaire, liée nue par les cheveux à la que d’une jument indomptée et trainée, selon la légende, jusqu’au pied d’une de ces pierres druidique, où elle expira : l’horrible supplice de la reine Brunehaut !
Et l’histoire locale ici, nous est rapportée à la fin du seizième siècle par le théologien Molanus .
« Au dire de nos ancêtres, c’est près d’Andenne qu’il vint au monde, mort. Mais avec la permission divine, il retrouva la vie et fut déclaré au baptême : Mort né. Miraculé, il vécut modestement dans les bois, en compagnie d’hommes frustes, qu’il aidait dans la fabrication du charbon de bois. Puis il se retira en ermite dans ces mêmes bois d’Andennes, où il passa saintement ses jours, jusqu’au dernier. «
L’ermite mourut octogénaire, ceci impliquant qu’il ait eu le même âge, qu’il soit né la même année que la reine Brunehaut. Les coïncidences ne s’arrêtent pas là ; son trépas, survenu comme celui de la reine d’Austrasie près d’une pierre, s’assortit également d’une déroutante affaire de chevaux. Et en pareil cas le moindre détail est à retenir.
« Un jour, comme on ne le voyait plus, les voisins organisèrent une battue et le découvrirent mort. Ils voulaient transporter sa dépouille à Andenne. Mais les chevaux, Dieu aidant, se rebiffèrent. Par contre, tournés vers la ville de Huy, ils gagnèrent sans plus de révolte l’église Saint-Jean l’Evangéliste. C’est là que son corps repose, honorablement inhumé entre deux piliers de la nef «
Suit alors la description du tombeau du Mort, qui n’est pas sans intérêt. Car sur sa dalle funéraire et sous une statue du saint en tenue d’ermite avec chapelet et bâton, se voyait
« une grande pierre posée sur deux supports, en manière d’une table d’autel «
Rien de moins qu’un dolmen dans l’église, mais un dolmen devant lequel au seizième siècle, d’étranges rites se perpétuaient . . .
« …. Les pèlerins qui y affluent, déposent des offrandes pour être délivrés de leurs calculs, maux de tête, de dents, douleurs aux jambes et autres maladies. Ils y offrent des ex-voto en cire ou en métal, jambes, couronnes, bras, comme aussi des fers de prisonniers, du gros sel, des pièces de monnaie, des figurines de poules et de poussins, etc … «
En quatre siècles, les ex-voto avaient perdu toute valeur de symboles. L’intelligence du sacré s’était effritée, le temps de la superstition venu. Mais le plus incroyable est que l’on voit se répéter un rite que j’ai vu en Bretagne, à Saint Gildas. Cette pierre-ci, comme l’autre, on venait toujours la gratter, pour récolter un peu de poudre à guérir ! Une cuillère en fer-blanc est mise gracieusement a la disposition des fidèles.
Belgique, province de Namur, commune de Ohey.
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